Comment comprendre les Comportements Répétitifs centrés sur le Corps ?

Les personnes souffrant de CRCC se triturent, arrachent ou tirent sur une ou plusieurs parties de leur corps. Elles peuvent se ronger les ongles, se mordiller les lèvres ou l’intérieur des joues, se gratter la peau, s’arracher les cheveux…

Ces comportements relèvent-ils d’un trouble obsessionnel compulsif (TOC), de l’anxiété, d’une mauvaise habitude ?

La compréhension du processus qui sous-tend le comportement répétitif est un élément essentiel de la thérapie.

Dans le manuel diagnostique des troubles mentaux DSM-IV, paru en 1952 et révisé en 2000, la trichotillomanie était répertoriée dans les troubles du contrôle des impulsions avec la pyromanie, le jeu compulsif et la kleptomanie. La dermatillomanie (grattage compulsif) n’était pas répertoriée à l’époque. On retrouve en effet toujours une coloration d’impulsivité dans les CRCC tels que la Trichotillomanie, la Dermatillomanie, l’onychophagie et d’autres CRCC. L’impulsivité étant définie comme une action apparaissant sans avoir été planifiée et sans prise en considération de ses conséquences. Beaucoup de patients disent ne pas avoir conscience de commencer le geste qui se déroule la plupart du temps de manière automatique.

Néanmoins, notre expérience clinique nous a montré que les CRCC sont souvent beaucoup plus complexes que de simples impulsions. La majorité des personnes souffrant de CRCC ont en fait des pensées obsessionnelles en lien avec le comportement. Le trouble de dermatillomanie  a d’ailleurs fait son apparition dans la DSM V, en 2013, dans la rubrique des Troubles Obsessionnels Compulsifs ou l’on retrouve aussi la Trichotillomanie.

Les CRCC sont-ils des TOC ?

Le TOC est caractérisé par des pensées obsessionnelles génératrices d’anxiété. Des compulsions ou rituels sont réalisés par le patient pour tenter de réduire l’anxiété.

Dans les CRCC, on observe des différences avec la description habituellement partagée des TOC. Premièrement, on ne retrouve pas toujours de pensées obsessionnelles en lien avec les compulsions.  Par exemple, les patients ne pensent pas « si je ne me gratte pas le peau ou ne tire pas mes cheveux, il va se passer une catastrophe ». Deuxièmement, les patients ne rapportent pas tous une réduction de l’anxiété au moment ou ils réalisent leur rituel. Certains même sont très contrariés de devoir obéir à leur compulsion.

En dépit de ces différences, il y a de fortes similarités entre TOC et CRCC. Premièrement, les deux impliquent des actions répétées qui ont des conséquences néfastes pour la personne. Deuxièmement, plus d’un tiers des patients rapportent des croyances au sujet de leur peau ou de leurs cheveux qui semblent de nature « obsessionnelle », par exemple une recherche d’éliminations des imperfections dans le but d’avoir une peau parfaite. Ici, le rituel se fera en réponse à une pensée intrusive du type « ma peau doit être parfaite », « je ne peux pas tolérer d’avoir une trace, une croute, un point, … », « je ne peux pas m’en empêcher, il est impossible de ne pas le faire ».

Au début de la thérapie, les pensées intrusives ne sont pas toujours identifiées mais un clinicien averti repérera assez facilement le risque (ou la peur) dont le patient cherche à se protéger. Il retrouva alors souvent le thème de la peur du jugement, du rejet ou de l’échec.

Comment ses considérations impactent-elles la prise en charge ?

Chaque problématique de patient souffrant de CRCC est unique et doit faire l’objet d’une analyse. Les praticiens des TCC réaliseront des analyses fonctionnelles qui seront articulées avec l’anamnèse. Ainsi, la dimension fonctionnelle du trouble sera différente pour chaque patient et donnera lieu à une prise en charge adaptée et donc unique pour chacun. En fonction de la nature plus ou moins impulsive ou compulsive du trouble, le thérapeute débutera la thérapie par l’entrainement au renversement des habitudes ou bien l’exposition avec prévention de la réponse. Dans tous les cas, par l’apprentissage de gestes contradictoires ou par les exercices d’exposition aux situations évitées auparavant, le travail visera à un apprentissage de nouvelles façons de réagir à l’anxiété afin qu’elle ne contrôle plus la vie du patient.

Par Gaëlle Lhomme, psychologue clinicienne.